E-marketing.fr Le site des professionnels du marketing

Recherche
Magazine Marketing

Chacun cherche son magasin

Publié par le

Mon premier est un laboratoire pour les marques. Mon deuxième un parcours expérientiel pour le consommateur. Mon troisième un poids lourd de l'économie. Mon tout est une matière vivante. Qui suis-je? Le point de vente, bien sûr. Tour d'horizon des innovations du secteur.

Je m'abonne
  • Imprimer

S'il est un sujet qui unit les Français, c'est bien celui du commerce et de la consommation. Lancez une conversation à table avec des amis sur leur magasin préféré et attendez... Tout le monde a un avis sur la question. Une bonne adresse, un bon tuyau à partager ou un secret. Les uns seront plutôt Carrefour ou Apple Store, d'autres Tati, Colette ou Picard, mais tous se montreront curieux des expériences vécues par chacun. Et d'un coup, la discussion s'anime, car ces territoires de consommation ne laissent personne indifférent. « L'avenir de l'échange commercial est lié au point de vente comme source de gratification pour le client, explique Christophe Benavent, professeur de marketing et chercheur à l'Université de Nanterre. Il n'est plus possible aujourd'hui de mentir à ses clients. Le discours doit être clair, générateur de sens, riche en contenu, tout en restant lisible.» Tout semble si facile. A l'issue du salon Equipmag, qui s'est tenu à Paris en septembre dernier, les visiteurs et les exposants convergeaient vers un bilan mitigé. On a constaté un retour aux fondamentaux, la dimension humaine est remise au centre du processus commercial (accueil, services). Cette tendance s'accompagne d'une plongée dans la technologie (écrans, flashcodes, RFID).

Olivier Saguez (Saguez and Partners):

« J'achète bien ce que je comprends bien. Et quand on a moins d'argent, on est plus intelligent. »

Innovations en stock

Selon une étude de GfK datant de juin 2010GfK - Étude réalisée auprès de 1002 personnes du 5 au 12 mai 2010., les consommateurs perçoivent la distribution comme l'un des quatre secteurs qui a le plus changé au cours des vingt dernières années, après celui de l'énergie (47 %), des assurances (38 %) et à égalité avec celui de l'automobile (31 %) - les personnes interrogées pouvaient choisir plusieurs réponses. L'innovation majeure est incarnée par le téléphone mobile.

« Il va devenir la télécommande de la consommation de demain. Ce sera le prolongement de la main et la septième face du produit. Il nous offrira trois vertus essentielles. Il deviendra un shopping assistant, un moyen de paiement et un lien avec l' off line, grâce aux codes barres 2D », explique Olivier DauversEditions Dauvers, Le Magasin de 2053. Editeur d'un mensuel Rennes Conso. Blog "Le Web grande conso", www.oliversdauvers.com., ex-rédacteur en chef de Linéaires, aujourd'hui éditeur d'ouvrages sur le commerce. Même constat pour Christophe Benavent: « Le marketing mobile va s 'intégrer dans nos expériences consuméristes, à condition qu'il soit facile à utiliser ». Le téléphone se propose donc d'être à la fois un catalogue, une carte de crédit, une carte de fidélité... «Nous sommes à l'aube d'une ère mobile qu'on ne soupçonne même pas! », prévient Olivier Dauvers. Le but est d'apporter du contenu et des services associés. Et le consommateur en raffole.

D'autant plus que la crise a permis à chacun de réfléchir sur le sens réel de ses dépenses (voir l'article p. 70 sur l'étude Dezineo). Carrefour Planet l'a bien compris, en resserrant son offre produits. Pas sûr qu'on ait réellement besoin de 150 références de dentifrices! Olivier Saguez, fondateur et président de Saguez and Partners, qui fête cette année son centième concept de magasin (Yves Rocher, Lafayette Maison, B HV Homme, la boutique officielle de la Tour Eiffel, etc.) explique: «Cette inflation d'informations est salutaire. J'achète bien ce que je comprends bien. Et quand on a moins d'argent, on est plus intelligent». Les flashcodes, par exemple, contribuent à délivrer de précieuses informations directement sur le point de vente (les précurseurs en la matière ont été les musées) . Lors des foires aux vins des grandes surfaces, on a pu voir, chez Franprix notamment, des flashcodes (ou 2D) sur les étiquettes des différents crus. En les scannant avec son smartphone, on est transporté directement dans l'univers du vigneron (grâce à des vidéos), on a accès à des recettes, des conseils pour la conservation du vin, etc.

Les innovations pionnières

Bref, proposer pléthore de contenus gratuits pour faciliter les ventes, accessibles aux seuls consommateurs qui le souhaitent, constitue plutôt une bonne idée. Mais si les innovations technologiques sont porteuses d'un vrai potentiel de croissance, ce sont les innovations concernant le pouvoir d'achat et le respect de l'environnement qui recueillent le plus de suffrages, selon l'étude de GfK. Ainsi, la fin de la distribution des sacs plastiques (27 % d'opinions positives), les cartes de fidélité (22 %), les magasins hard discount (21 %) et la vente de produits sans emballage carton (19 %) ont la faveur des clients. Des innovations qui nous paraissent peu originales aujourd'hui, mais qui ont mis des années à s'imposer. Tout comme les codes-barres, inventés en 1946 et mis en pratique aux Etats-Unis seulement en... 1972. C'est donc une mutation assez lente qui s'opère.

Anna Sam (consultante Leclerc):

« La robotisation améliore les conditions de travail des caissières, mais mine le volet social du métier.»

Le nouveau design des points de vente Yves Rocher: du vert pour les plantes, du gris pour les ardoises bretonnes.

Le nouveau design des points de vente Yves Rocher: du vert pour les plantes, du gris pour les ardoises bretonnes.

Humanisation

« Je me vois mal sortir mon téléphone pour vérifier si la paire de baskets de mon petit dernier existe en rouge, si elle est disponible, tout en surveillant mes deux autres enfants qui investissent les rayons », explique cette mère de famille en pleines courses de rentrée. « Je n'ai pas le temps pour ça, je cherche un vendeur.» Et comme les femmes sont décisionnaires à 80 % des achats de produits de grande consommation, les «gourous» des technologies futures ont tout intérêt à s'intéresser à elles. D'après une étude Ifop pour ElyonEtude Ifop/Elyon. Etude "La culture du service en France", réalisée auprès de 1006 personnes du 26 au 28 mai 2010. , les Français, s'ils se montrent très critiques envers les vendeurs (76 % n'apprécieraient pas leur aide), rejettent à 85 % l'idée de les remplacer par des machines interactives, aussi performantes soient-elles (voir l'encadré «Dans les rayons», p. 62). «Ce qui transparaît dans l'étude, c'est l'aspiration du consommateur à trouver en magasin ce qu'il ne trouve pas sur les sites de vente en ligne: le rapport humain, le contact personnel avec ce qu'il comporte de non rationnel. La satisfaction de cette attente passe par le dialogue avec un vendeur, qui doit être un conseiller attentif et disponible, mais aussi et surtout informé et compétent», affirme Frédéric Micheau, auteur de l'étude. Aujourd'hui, en grande surface, 70 % des Français souhaiteraient scanner leurs produits au fur et à mesure qu'ils remplissent leur chariot (selon l'étude menée par Wincor Nixdorf pour Ifop en août 2010). Pour Anna Sam, la plus célèbre des caissières françaises après son bestseller Les Tribulations d'une caissière, chez Stock: « La robotisation améliore les conditions de travail des caissières, qui ont du coup davantage un rôle d'assistance auprès des clients, mais mine le volet social du métier. C'est sur ce paradoxe que je réfléchis dans ma nouvelle vie de consultante chez Leclerc». Selon une étude Geste-Crédoc, ce sont près de 40 000 postes qui seraient supprimés d'ici 2015 dans le métier. «Notre relation au temps est complexe. Il y a une grande différence entre le temps actif et le temps passif . Les caisses automatiques ne vont pas plus vite, mais le client a la perception que c'est plus rapide, car il a quelque chose à faire, il s 'occupe les mains », explique encore Olivier Dauvers. « On pourra inventer ce qu'on voudra, la base du commerce c'est tout de même l'accueil, le service, le choix et le sourire », explique très clairement l'épicier du coin, qui fait crédit, livre les courses, garde les clés, ferme le rideau très tard et appelle ses clients par leur nom.

SBAM +

Le grand classique sourire, «bonjour», «au revoir» et «merci» (voire «bonne journée») a encore de beaux jours devant lui. « Je vais dans un magasin pour être vu et reconnu, explique Hubert de Malherbe, fondateur de l'agence de Malherbe Retail Design et concepteur du dernier Carrefour Planet, j'y vais aussi pour qu'on dise du bien de moi, c'est de l'ordre de la gratification.» Une notion présente à la fois dans le domaine du marketing et dans celui du design (voir l'interview exclusive p. 64) .

Olivier Dauvers (éditeur):

« On est à l'aube d'une ère mobile qu'on ne soupçonne même pas!»

Beau et rentable

« Depuis l'arrivée de Zara et de H&M en France, il y a une quinzaine d 'années, les magasins ont changé. Ils ont adopté les codes du luxe et se font plus beaux. Et le résultat sur les ventes ne se fait pas attendre », continue Hubert de Malherbe, considéré par la profession comme le futur Philippe Starck du commerce. Les agences de Retail design fleurissent et de grands noms d'enseignes leur donnent les clés pour repenser leur concept. Car plus de sept décisions sur dix sont prises dans le magasin au moment de l'achat et non avant celui-ci. C'est dire si tout compte. La vitrine, le design, la signalétique, la cabine d'essayage, l'encaissement, les couleurs, les odeurs, l'éclairage, le son (voir l'article sur le marketing sensoriel p. 66). De Nature et Découvertes à Carrefour Planet, en passant par Leader Price ou Yves Rocher, la majeure partie des enseignes se sont offert beaucoup plus qu'un simple coup de pinceau. Saguez a signé la transformation réussie d'Yves Rocher: « Du marron pour la terre, du vert pour les plantes, du gris pour les ardoises bretonnes. Des produits en vedette sur des PLV en bois et zinc. Des parcours autour de quatre thématiques: savourer, séduire, se sentir bien et rayonner. Nous sommes bien attachés à nos racines et nos clients le sentent. Ils sont en confiance », confie Géraldine Guillemot, directrice des concepts et du merchandising de la marque bretonne. «Le résultat est là. Le panier moyen est en hausse et notre flagship des Champs-Elysées enregistre des ventes additionnelles de l'ordre de 25 %. » L'identité sonore, créée sur mesure par Mood Media, fait partie intégrante du lifting. La marque a remporté cette année le grand prix de la publicité de la presse magazine avec le slogan «créateur de la cosmétique végétale», elle est aussi l'enseigne beauté préférée des Français (BVA), le n°1 des ventes en hygiène beauté (Kantar WorldPanel), leader sur l'attachement et la capacité des marques à rebondir (Fresh Start Observer/BVA) et la deuxième entreprise la plus proche des françaises (BVA) . Yves Rocher s'affiche encore en double page dans la presse avec ce texte: «Merci d'avoir fait de nous la marque la plus proche de vous». C'est également le cas de Picard, qui, propulsée n°1 des enseignes alimentaires préférées des Français (OC & C septembre 2010), remercie ses clients par voie de presse et d'affichage avec un très savoureux «merci au chocolat». Géraldine Guillemot poursuit, en expliquant que le magasin de demain sera « authentique, expérientiel et proche de ses clients ». Jean-Pierre Lefebvre, président de AKDV (Attribution Knowhow Difference Valeurs), agence d'architecture commerciale qui vient de remporter le Janus design 2010 de l'architecture commerciale pour les magasins Altermundi, explique: «Les points de vente sont des outils de communication. Nous avons créé Archigraphik, un outil qui mixe communication et architecture, pour coller à cette tendance entre identité de marque et architecture».

Extension du domaine de la vente

Dans cet univers en constante mutation, les marques soufflent leurs bonnes idées aux marchands. «Le commerce c'est un laboratoire», explique Bruno Witwoet, président d'Unilever France, qui vient d'inaugurer un centre de recherche et d'innovation baptisé CIIC (Customer Insight and Innovation Centre). Ce service est à la disposition des distributeurs, avec une salle de réalité virtuelle, des rayons laboratoire et un outil d'eyetracking et se propose d'optimiser les ventes.

Les magasins laboratoires sont une pratique croissante. C'est le cas des parfumeries Marionnaud, qui, en pleine phase de réinvention de leur concept avec le cabinet Added Value, investissaient un entrepôt à Rungis, transformé pour l'occasion en bunker test ultra-secret gardé par des vigiles. «Nous avons organisé huit visites de consommateurs que nous avons transportés en bus sur le lieu. L'une d'entre elles était réservée au management», explique Karine Bugeja, Associate Director d'Added Value. Enfin, de nouveaux territoires s'offrent à la vente. C'est le cas des pharmacies, avec le réseau Pharmactiv, qui crée de vraies boutiques avec des cabinets de confidentialité, des aires d'autoroute, des gares (voir le modèle du genre dans la gare de Marseille, conçue comme une galerie marchande très moderne, où même le McDonald's est beau), des cafés (Chez Jean, par exemple, qui est le premier convenience store en centre-ville). D'autres territoires sont très en retard, tant au niveau de l'offre que de la forme. Comme le métro ou les aéroports par exemple. « Le marketing du point de vente est un thème passionnant, conclut Christophe Benavent, car il porte en lui la promesse d'une émotion retrouvée, une nouvelle sociologie consumériste raisonnée ».

Dans les rayons

Causes d'insatisfaction des consommateurs:
- L'attitude d'un vendeur (pour 65 % des personnes interrogées), temps trop long pour disposer d'une information (pour 59 % des sondés), délai d'attente en caisse (53 %).
- 86 % des personnes interrogées trouvent que les vendeurs manquent d'informations sur les produits, le service après-vente (77 %) et les stocks (68 %).


Qualités d'un vendeur
- Les consommateurs sont satisfaits: de l'accueil (80 %), de la politesse (77 %), de la disponibilité des vendeurs (64 %), de l'écoute (62 %), de la ca pacité de conseil (56 %), de la connaissance des produits (54 %).
* Source: Etude Ifop/Elyon sur «La culture du service en France», réalisée auprès de 1 006 personnes du 26 au 28 mai 2010.

Top cinq des enseignes attractives

Selon la première étude sur le niveau d'attractivité des enseignes réalisée par OC & CSource: Etude réalisée par Internet entre juin et juillet 2010 auprès de 2 500 personnes en France, sur 50 enseignes., Picard arrive largement en tête en France, avec 81 points sur 100. Chouchou des Français, le spécialiste du surgelé devance Ikea (77,5 points), Sephora, Decathlon et Amazon (76 points), Fnac Nature & Découvertes, Leclerc, Vente-Privée (74 points) et Zara (73,5 points).

 
Je m'abonne

Amelle Nebia

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles