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Brand manager, un métier qui reste à construire

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Dans son dernier ouvrage publié en mai dernier, Branding Management (1), Georges Lewi aborde la question centrale du pilotage des marques. Et notamment l'épineux problème du passage du chef de produit au chef de marque.

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Marketing Magazine : Qu'est ce que le branding management ?

Georges Lewi : Le terme est très utilisé sur le continent nord-américain et même au Canada francophone où le mot “marquage” ne fonctionne pas. Le branding management, autrement dit la gestion de la marque, est une étape du marketing management, de l'élaboration des stratégies marketing. Mais c'est une étape de rupture, qui peut remettre en cause les fondements mêmes de certaines approches en marketing car, si la marque est née du marketing, elle s'est affranchie de ses règles pour en créer d'autres comme le brand streching qui autorise une même marque à vendre sous le même nom des produits aussi divers que des rasoirs et des planches à voile.

Quelle est la différence entre marketing et brand management ?

G. L : Poser cette question, c'est poser la question des fonctions. Un brand manager n'exerce pas le même métier qu'un chef de produit. Un chef de produit travaille au quotidien. Sa principale mission est de lire des panels et de réagir à cette lecture en mettant en œuvre des réponses empruntées au marketing opérationnel. Il est celui qui est au plus près de son marché et son rôle est primordial pour la bonne gestion du produit. Avec l'avènement de la marque comme problématique au sein des entreprises, le chef de produit devient partie prenante d'une problématique plus large qui va définir son activité. Ses actions opérationnelles devraient être définies selon une ligne stratégique et une vision du marché élaborées pour la marque. Un chef de marque gère plus qu'un produit ou même qu'une gamme de produits. Il veille à ce que les différents produits correspondent bien aux valeurs, personnalité et identité de la marque. Nier les compétences propres exigées par ces deux métiers peut conduire à une mauvaise gestion des marques. Le risque est d'utiliser la marque comme tout autre élément du mix, sans en préserver les valeurs et la logique propre. De l'instrumentaliser, de l'étendre jusqu'à la dilution.

Les intérêts du brand manager ne sont donc pas toujours compatibles avec ceux du chef de produit ?

G. L : Le marketing, qui instrumentalise la marque, risque en effet de lui faire perdre de sa valeur, voire de développer une logique anti-marque. Des marques trop étendues, trop fortes cherchant à parler à tout le monde perdent leur raison d'être. C'est en ce sens que le marketing peut jouer contre la marque et la raison pour laquelle chef de produit et brand manager ne doivent pas être une seule et même personne afin d'équilibrer les forces et les tendances parfois contradictoires.

Quelles sont précisément leurs missions réciproques ?

G. L : Le chef de produit est opérationnel et la fonction est généralement confiée à un junior. Le chef de marque a une mission de développement stratégique et de valorisation financière de la marque qu'il doit pouvoir optimiser au-delà des produits ou des catégories. Cette fonction encore naissante est confiée à des cadres seniors. Et dans certaines entreprises, cette fonction est la plus importante du marketing. Le brand manager est faiseur d'équilibre, entre finances, marketing et relation avec les clients de la marque.

Dans l'organisation de l'entreprise, où devrait se trouver le brand manager ?

G. L : Si l'on admet que la marque est un actif essentiel de l'entreprise, qu'elle participe à sa valorisation financière, dans ce cas on doit pouvoir placer les gens qui s'en occupent au niveau du Comex, aux côtés du directeur financier et du DRH. Mais, dans les faits, nous n'en sommes pas encore là. Aujourd'hui, le branding et le marketing sont sur un même plan, alors que les missions ne sont pas les mêmes. Résultat, les problématiques des marques stratégiques ne sont pas traitées.

La crise qui touche les marques ne va-t-elle pas permettre de clarifier la situation ?

G. L : Certainement, et la bataille sur les prix va être salutaire. Elle va permettre aux entreprises de nettoyer leur portefeuille. On cessera d'appeler marque ce qui n'en est pas. Et puis on va s'apercevoir qu'il n'y a pas de marché sans marque. Même le marché des essuie-tout pourrait être un marché à marque. Si aujourd'hui ce n'est pas le cas, c'est que personne n'a trouvé de “driver brand ”, c'est-à-dire une marque qui décide le consommateur à acheter. Face à la crise, les entreprises vont devoir définir ce qui relève de la gestion du produit et ce qui relève de la gestion de la marque.

Qui devrait idéalement gérer les marques corporate, comme Danone ou Coca-Cola ?

G. L : Cette tâche appartient normalement au président, dont le rôle est de prévenir tout risque. Il doit arbitrer entre le développement de la marque et d'autres objectifs, notamment les objectifs financiers à court terme. Cet arbitrage rend sa mission difficile d'autant qu'il a un emploi du temps surchargé. Il n'est pas toujours disponible quand le travail sur la marque en aurait besoin. Idéalement, il faudrait des directions bicéphales, avec une direction branding, un vice-président en charge de la marque. Tant que cela ne sera pas organisé, la marque sera en crise. Même si la marque est un élément important, tant qu'elle n'a pas sa place dans l'organisation de l'entreprise, elle ne peut pas être défendue. (1) Branding Management La marque, de l'idée à l'action. Editions Pearson Education.

Six critères fondamentaux pour développer une marque forte (Méthode mnémotechnique Bisance)

Bi - La Brand Identity. L'identité de marque selon les méthodes du prisme d'identité, de l'entreprise ou de la plate-forme de marque. S - Le Statut stratégique. Le positionnement marketing actuel et futur de la marque sur son marché : leader, challenger, suiveur, niche et les conséquences en termes de produits, prix, distribution et discours. A - L'Age de la marque. Analyse du cycle de vie de la marque et des actions à mener selon le stade de la marque et notamment la mise en œuvre de programme de revitalisation. A priori, une marque est immortelle, mais elle doit franchir certaines étapes. N - La Narration de la marque. Son schéma narratif (ou “actanciel”), c'est-à-dire l'illustration narrative de l'action bénéfique de la marque pour la société. C - Le Contrat de marque. Analyse de la perception par les clients de la mental box, du repère mental de la marque sur son marché, l'estimation du poids respectif des trois niveaux du contrat de marque : transactionnel, relationnel et aspirationnel. E - Equity. Détermination de la “prime de marque”, c'est-à-dire de la valeur qu'accepte effectivement de payer un client pour les produits et qu'il devrait accepter de payer dans le futur. L'equity de la marque intègre la fidélité des clients (et la fidélisation) comme source de revenus récurrents. Source : BEC-institute.

 
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Rita Mazzoli

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