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« Le clic n'est pas tout »

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Annuaire et moteur de recherche, Lycos s'installe, avec le rachat récent de Spray Networks, dans le top five des sociétés internet européennes. Marie-Christine Levet, directrice de Lycos-Bertelsmann France, détaille les moyens magiques dont dispose le Web pour pister le comportement de l'internaute.

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Pourquoi un petit labrador noir comme porte-parole de Lycos ?


La communication de Lycos a démarré en octobre 1999, deux ans après la création du site en France. Avec l'objectif d'expliquer ce qu'était Lycos. Nous avons retenu le concept du chien qui va chercher l'information. Une deuxième vague de spots en février-mars 2000, "le foot" et "l'Ecossais", a permis de renforcer la communication sur les fonctionnalités, avec le lancement du concept "va chercher", un ton assez humoristique. C'est ce qui nous différencie de Spray. Nous sommes allés un peu contre toutes ces marques qui communiquaient sans que les gens sachent réellement ce qu'était le produit ou dont ils ne réussissaient pas à mémoriser l'URL. Car, finalement, on s'aperçoit souvent que les gens savent ce qu'est le produit mais pas à quoi il sert.

Les résultats de ces deux vagues de pub ?


Aujourd'hui, Lycos a 62 % de notoriété sur Internet. C'est la 4e marque et nous enregistrons une croissance de 46 % juste après Wanadoo, Yahoo et AOL. Cela a multiplié le trafic par trois sur les six premiers mois, et par deux ensuite. Nous sommes passés de 8 à 25 % de pénétration. Nous lançons une campagne sur un nouveau service de communication, le SMS gratuit, qui fait le lien entre l'ordinateur et le téléphone portable sans besoin d'un téléphone spécifique, genre Wap. Nous sommes les premiers à lancer ce service. L'idée, c'est d'évoluer de "Lycos recherche" vers quelque chose de plus généraliste avec d'autres fonctions. Nous diffusons un nouveau spot, "love story", avec un ton un peu plus humain et plus seulement le chien, dans un esprit recherche et partage avec d'autres. Avec Spray maintenant, cela va faire près de 35 % d'audience, ce qui fait de nous le numéro 5 français.

Lycos est identifié comme quoi ?


Sur le "Va chercher", donc comme un moteur de recherche. C'est ce que l'on voulait. Au départ, nous nous sommes dit que nous n'allions pas communiquer sur tout. D'abord sur le métier de base : chercher l'information. L'idée de la rentrée, c'est d'offrir d'autres services autour. L'outil de recherche, ce n'est pas seulement le moteur, c'est aussi l'annuaire de 60 000 sites, fait de manière humaine, (nous en aurons 100 000 d'ici à la fin de l'année). Quinze surfeurs cherchent toute la journée de nouveaux sites. L'idée est de garder les marques majeures : Caramail pour tout ce qui est outil de communication, mails, chats ; Tripod pour les pages perso ; Spraydate pour les rencontres. Tout le modèle de Lycos est un modèle multimarque.

Pourquoi ?


Parce que cela permet d'avoir des audiences plus ciblées et de faire circuler le trafic à l'intérieur du réseau. Nous avons aujourd'hui deux mégamarques : Lycos, assez grand public et Spray, qui est plus "funky". Nous gardons les deux puis, d'autres marques par outils. Un groupe média n'est jamais un groupe à marque unique. Un groupe de presse, de télévision, compte généralement différentes marques qui répondent à diverses attentes. Internet est un média comme les autres, et il n'y a pas de raison que cela se passe différemment. En revanche, son avantage, est de pouvoir faire circuler le trafic à l'intérieur du réseau.

Est-ce qu'il n'y a pas toujours un décalage important entre la communication et l'offre du site ?


Notre logique est que les pages soient légères. Les gens ne doivent pas attendre pour les voir, quel que soit l'ordinateur ou le modem. Nous n'en sommes pas encore à des stades d'équipements informatiques qui permettent de faire mieux. Ensuite, nous avons essayé de décliner le concept du chien. Les coups de coeur Lycos sont signalés par un petit chien qui bouge la queue ou une petite patte de chien ; on essaye d'avoir cette thématique partout. Il est important que les gens se retrouvent toujours dans le même univers. Car globalement sur Internet, les gens sont perdus. Donc il faut tout le temps avoir les mêmes systèmes graphiques. L'idée est donc de les accompagner au maximum.

Que veut dire Lycos ?


C'est une araignée-loup qui va chercher sa proie. Comme le moteur va chercher les sites internet avant que les internautes n'aillent à eux. C'est sûr que l'araignée n'est pas un concept très sympa. Le chien, c'est mieux !

Comment équilibrer volonté d'être le plus gros et réponse aux besoins de l'internaute ?


La différence se fait sur le produit. Il n'y a pas de tricherie sur Internet. Un truc moyen ne décolle pas. On a beau faire de la pub, c'est le produit avant tout.

Qu'est-ce qui génère le plus de clics chez vous ?


L'annuaire et, à l'intérieur, certains thèmes comme loisirs, célébrités, voyages, charme, cinéma, horoscope. Nous n'avons pas de contact direct avec l'utilisateur. Il peut nous envoyer des mails. On peut faire des focus groupes. Mais nous n'avons pas d'autres moyens de communiquer avec nos membres. Sur Tripod, c'est différent, nous avons des membres.

Sait-on vraiment ce que veut l'internaute ?


Non, à part avec des études internes. La base, c'est le trafic. C'est ce que l'on analyse. On voit que "jeux", par exemple, est en 7e position, donc on renforce l'offre en la matière. Ensuite, on analyse le trafic journalier par catégorie. C'est notre chance : les journaux ne savent pas quelles sont leurs pages les plus vues. Nous avons des forces en termes de trafic, beaucoup d'informations sur ce que font les gens.

Quel est l'avenir du contenu éditorial ?


Il a de l'avenir, mais ce n'est pas notre métier. Si nous devions faire du contenu, nous ne serions pas 50 mais sans doute 300 ou 400. Notre métier, c'est de guider et d'orienter l'internaute. Par le biais de l'annuaire et des chaînes thématiques.

Des réflexions sont-elles menées sur l'avenir de la bannière de pub ?


Oui, dans les centrales d'achat d'espace. Nous pouvons mesurer ce que les gens ont vu et ont cliqué. Mais des études très sérieuses montrent que, même si les gens ne cliquent pas, la bannière est génératrice d'image. Entre différentes populations qui avaient été exposées à des bannières, il y avait des impacts importants sur la notoriété de la marque. Le clic n'est pas tout. Ce qui est important, c'est le taux de conversion. Si on dit que le clic est tout, on remet en question toute la pub en général. Quand on fait une campagne publicitaire dans un magazine ou dans le métro, les gens ne vont pas cliquer ou acheter directement. Mais c'est comme cela que les marques se créent. Nous, nous pensons qu'à terme, il n'y aura de la place dans l'esprit des consommateurs que pour une dizaine de marques généralistes. Après, il y aura des marques spécialisées.

Combien prétendent à ce titre aujourd'hui ?


Cela se concentre de plus en plus. L'intérêt de la concentration Lycos-Spray Caramail, par exemple, est que, dès que l'on introduit un nouveau produit, on peut le montrer à 33 % de l'audience française. On peut donc multiplier notre trafic sans débourser un franc.

Pages vues, clics, PAP... Quelle est la mesure la plus importante aujourd'hui ?


S'il s'agit de générer de la visibilité, il vaut mieux faire de la home page ; du trafic, on peut faire du ciblé ; si c'est pour recueillir des bases de données, il doit y avoir un plan de communication adapté à chaque objectif. Après, il existe différents outils. La home page, c'est bien pour un lancement institutionnel, un lancement de marque, de nouveau site, une opération de promotion ; après, on peut sponsoriser des rubriques. L'important, c'est un mixte de tout. Il y a le nombre de clics, le trafic. Mais il y a des sites qui font de la pub plus de l'institutionnel dans des magazines. Cette pub ne va pas générer de trafic immédiat sur le site, ni celle dans le métro, mais l'on rentre dans l'univers du consommateur.

Et le temps passé sur un site ?


C'est pris en compte. Sur Lycos, les gens ne restent pas longtemps et Spray a su développer des produits pour que les gens restent et reviennent. Dans le rapprochement, il y a complémentarité. Les deux combinés, cela devrait être gagnant. C'est toute la force de créer des produits viraux. Cette donnée de temps passé est aussi hyper importante. Qui dit temps passé, dit pages vues en général.

Vous devez embaucher 200 personnes en Europe d'ici à la fin de l'année. Combien en France ?


Trente à quarante mais, étant donné les rapprochements avec Spray/Caramail, il est clair que, s'il y a des fonctions communes, nous allons les mutualiser. Des fonctions resteront séparées, d'autres non.

Que pensez-vous de l'angélisme véhiculé par les médias sur les start-up et la nouvelle économie ?


On est tombé dans la caricature. Il est clair que ce sont des rythmes de travail importants et des esprits où l'on doit être dans des logiques de changement. Rien n'est établi. Tu fais quelque chose un jour, mais tu peux changer très rapidement. Pareil pour les business models. Ce n'est pas comme une entreprise qui vend du bois et qui le fait toujours de la même manière. Dans le Net, les business models changent du jour au lendemain. Il faut être tout le temps flexible, réactif. Il faut des structures sans trop de niveaux hiérarchiques pour ne pas empêcher la prise de décision rapide et la créativité. Après, je pense qu'il y a des règles qui s'appliquent à toutes les sociétés, internet ou pas. Il y a un mix à trouver entre un minimum d'organisation et le fait de ne pas bannir la créativité.

Et de cette surabondance d'Internet ?


Il y a eu une folie totale qui est entrain de se calmer. Le côté "on lève des millions à partir de trois pages de papier" est un peu fini.

Le rapprochement avec Spray/Caramail rapproche-t-il aussi le moment de rentabilité ?


Lycos a annoncé qu'il serait rentable en 2003. Nous pourrions l'être avant si l'on arrêtait de communiquer. Mais on veut installer les marques et ne pas mettre en danger une croissance future en voulant avoir du résultat à court terme. Le rapprochement va permettre des synergies en termes de développement produit au niveau public, trade marketing, et surtout au niveau revenus. Aux Etats-Unis, trois sociétés font 15 % du trafic et concentrent 45 % des revenus publicitaires. L'idée est donc de devenir un acteur incontournable vis-à-vis des annonceurs. Et de dire que Lycos vous permet de toucher le grand public.

Existe-t-il des projections sur les déplacements d'investissements des médias traditionnels vers Internet ?


Ce qui est bien, c'est qu'Internet est rentré dans la catégorie des grands médias. La plupart des annonceurs ont une ligne Internet dans leur plan médias. Aujourd'hui, on a un outil publicitaire qui est utilisé à 30 % de son potentiel par les annonceurs. On peut cibler en fonction de l'ISP, de la tranche d'horaire, du jour d'utilisation, de la rubrique, du navigateur, de l'outil informatique. On peut imaginer que l'on peut cibler des gens qui sont sur Wanadoo, possèdent un Macintosh, utilisent Explorer et regardent la rubrique Sport le week-end. On arrive à des degrés de segmentation assez fins.

L'internaute à terme ?


Internet, c'est d'abord le mail, puis la période surf fou et ensuite par centre d'intérêt. Il y a des choses sur lesquels ça change la vie. Les pages persos, par exemple : c'est la première fois, à part la radio libre, qu'un média permet à des gens de s'exprimer. Il faut être journaliste pour s'exprimer dans un média. C'est la force d'un moteur de recherche, un site officiel, mais la page perso de quelqu'un, c'est la magie de ce média. Cela fédère les gens par passion. Nous n'avons jamais communiqué sur Tripod et nous avons aujourd'hui 150 000 membres rassemblés par l'envie de s'exprimer.

Biographie


Agée de 33 ans, Marie-Christine Levet possède une solide expérience du développement de l'activité de filiales de sociétés américaines et internationales sur le marché français, acquise chez Disney et chez Pepsico. Diplômée d'HEC et titulaire d'un MBA de l'Insead, Marie-Christine Levet a débuté sa carrière dans le conseil en organisation et systèmes d'informations chez Andersen Consulting. En octobre 97, elle se lance dans l'aventure de l'Internet avec la création de Lycos France. Depuis, Marie-Christine Levet a lancé Tripod France, service de communautés virtuelles et de pages personnelles et Comundo, service d'accès Internet gratuit.

L'entreprise


Lycos est né en 1995 aux Etats-Unis. En 1997 en Allemagne et en France. La société appartient au groupe espagnol Telefonica. Lycos France compte 50 personnes. CA prévisionnel 2000 : 600 MF. La société devrait être bénéficiaire d'ici à deux ans. Budget marketing et communication France : 100 MF. Lycos vient de racheter Spray Networks, un ensemble qui représente désormais 914 millions de pages vues par mois en Europe.

 
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Valérie Mitteaux

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