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Si j'avais eu le temps, je vous aurais écrit une lettre brève

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Lettre ou mail? Difficile de choisir le mode de communication à privilégier, a fortiori. lorsqu'il s'agit d'une correspondance délicate destinée à attirer un prospect, à retenir un client ou à répondre à une réclamation. La lettre présente plus d'avantages. Elle exige réflexion, invite à la recherche d'idées et nécessite l'organisation des arguments choisis. Deuxième difficulté: être synthétique. Car écrire court est un exercice difficile, quel que soit le support. Et n'allons surtout pas croire que le mail, message aisé, qui s'envoie d'un seul clic, favorise l'aisance des écrits.

Improvise-t-on une lettre?

Non, d'autant qu'elle a une valeur légale. Elle a également une valeur symbolique puisque pérenne. La lettre est mémoire et preuve. Elle offre aussi la possibilité d'exposer un contexte clair, d'apporter chair et style à l'objectif recherché dans la correspondance. Le corps de la lettre se déploie ensuite pour présenter une argumentation solide.

Lors de sa rédaction, mieux vaut prendre soin de l'approche stylistique du message et bien choisir ses tournures. Une métaphore pourrait-elle illustrer le propos d'avantage qu'un argument?

A l'inverse, le mail permet rarement de contextualiser l'enjeu qu'il va traiter: il est souvent non hiérarchisé donc... nébuleux. Il liste des idées sans lien, en une succession peu claire de paragraphes. Souvent confronté à la «dictature de l'urgence», le rédacteur s'affranchit du «zeste de nuance» nécessaire et de toute relecture. Il oublie alors quelques coquilles... S'il apprend l'essentiel, le récipiendaire va toutefois devoir accepter l'idée que l' « art et la manière » ne sont pas au rendez-vous et n'ajoutent aucune subtilité de compréhension.

Ne faut-il écrire que des lettres?

Non, le mail permet de gagner du temps lorsque l'on suit une relation, un dossier, ses étapes d'évolution. Il peut aussi être le support adéquat pour informer d'une nouveauté ou d'un changement. Sa souplesse, sa rapidité permet de démultiplier l'envoi en un instant et de toucher des cibles multiples. Si on apprenait aux internautes à ajuster une courte phrase d'introduction et à affiner une brève formule de civilité en adéquation avec l'interlocuteur, peut-être le mail gagnerait-il en personnalisation.

La tendance est à la «sécheresse»

Lorsque l'on s'intéresse de près aux «web conversations», on s'aperçoit qu'en matière de correspondance, la tendance est à la «sécheresse». En suivant, par exemple, un mail d'une marque de téléphonie mobile, on s'aperçoit que sur huit mails, un seul souhaite le bonjour à son interlocuteur, les autres commencent par un froid «Monsieur», suivi des nom et prénom inscrits entièrement en minuscule.

Les formules de civilité apparaissent et disparaissent sans raison explicite. Il n'y a aucun code. Excepté pour la confirmation d'une demande de changement d'offre où l'émetteur est bien défini: Pierre L., directeur de la relation client, l'émetteur des messages se camoufle toujours derrière le nom très générique de «l'équipe phonehouse.fr» La lettre ou le mail doit toujours s'adresser à une personne en particulier.

L'art épistolaire restera toujours le lien privilégié pour s'adresser à un client ou un prospect que l'on veut convaincre et émouvoir. Une équipe phonehouse.fr, équipe, forcément indéfinie et plurielle, a-t-elle talent et légitimité pour émouvoir? Enfin, le mail a l'avantage d'être plus écologique puisqu'il ne demande pas forcément l'utilisation de papier. Il répond aussi à une demande des consommateurs qui souhaitent que les marques développent une communication pédagogique et relationnelle.

Mail ou lettre? Le débat reste ouvert puisque chaque outil a des qualités. A chacun de faire son choix: tout dépend de la cible à capter, du message à transmettre et du degré d'urgence.

JEANNE BORDEAU est fondatrice et directrice de l'institut de la qualité de l'expression, bureau de style en langage, et de Press'Publica, agence de communication d'influence Jeanne Bordeau enseigne à l'université Paris V et en Italie, à l'école Holden et à l'Ecole nationale supérieure de la création industrielle (ENSCI). Cette conférencière est aussi l'auteur de cinq livres publiés aux éditions d'Organisation.

 
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JEANNE BORDEAU

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