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Sale temps pour la VAD

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Les annonces successives du plan social à La Redoute et de la fermeture définitive de Camif Particuliers mettent à nouveau en lumière les difficultés de la vente à distance. Les vépécistes traditionnels s'adaptent non sans douleur à la profonde mutation du secteur.

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L'annonce a fait l'effet d'une bombe: après soixante années d'existence, Camif Particuliers, l'un des fleurons de la VPC française, est contraint de mettre la clé sous la porte. Ainsi en aura décidé le tribunal de commerce de Niort. Après des mois d'atermoiements, c'est donc le plus pessimiste des scénarios qui vient de se réaliser, laissant sur le bord de la route un millier de salariés sans emploi, des dizaines de sous-traitants le bec dans l'eau et des centaines de clients en attente de commandes qu'ils ne recevront jamais. On savait pourtant le VADiste niortais en grande difficulté depuis des années. Mais, ni l'arrivée d'un nouvel actionnaire majoritaire (Osiris Partners) en 2007, ni les repositionnements stratégiques successifs comme l'arrêt de l'habillement ou le développement des magasins n'auront suffi à sauver l'un des fleurons de la vente par correspondance française.

Le VADiste niortais met la clé sous la porte, laissant un millier de salariés sans emploi, des sous-traitants et des clients démunis.

Le VADiste niortais met la clé sous la porte, laissant un millier de salariés sans emploi, des sous-traitants et des clients démunis.

Plan social à La Redoute

Le paysage de la VAD traditionnelle française s'assombrit un peu plus chaque jour. La Camif n'est, en effet, pas la seule enseigne à subir de plein fouet les conséquences d'une conjoncture morose associée aux profondes mutations que connaît actuellement le secteur. Fin octobre, La Redoute a annoncé, à son tour, «un plan de relance face au déclin de la vente par correspondance traditionnelle». Le vépéciste roubaisien prévoit la suppression de 672 emplois répartis entre le service courrier, le siège et les 81 points de contact avec la clientèle qui seront tous fermés d'ici quatre ans. Là encore l'annonce n'a pas vraiment été une surprise. Lors de la présentation des chiffres semestriels du groupe PPR fin août, le p-dg François-Henri Pinault avait, en effet, laissé entendre que plusieurs actions visant à améliorer la rentabilité des divisions du groupe allaient être mises en place, notamment dans la branche vente à distance Redcats. Malgré son leadership, cette dernière accuse une baisse de son chiffre d'affaires semestriel de l'ordre de 0,3% et ne contribuerait plus qu'à hauteur de 7,9% au résultat opérationnel de PPR contre 15,9% il y a encore un an. La Redoute est particulièrement touchée avec, selon les syndicats, un chiffre d'affaires en recul de 8% au premier semestre mais les autres marques du pôle VAD (Cyrillus, Vertbaudet, Daxon) n'affichent pas non plus une très bonne santé.

De nécessaires adaptations

La concurrence des magasins de mode type Zara ou H&M et le développement des enseignes de distribution spécialisées (sport, maison, etc.) peuvent, en partie, expliquer les difficultés rencontrées par des généralistes comme La Redoute. Mais le vépéciste roubaisien semble surtout payer le lourd tribut du virage Internet. L'enseigne, comme ses principaux concurrents, a beaucoup investi dans le développement de la vente en ligne. Le site Redoute.fr, lancé en 1996, enregistre aujourd'hui près de 6 millions de visiteurs uniques par mois et réalise désormais plus de 50% du chiffre d'affaires de l'enseigne. Cependant la montée en puissance du Web a profondément modifié la donne et les habitudes de consommation des clients. Cette mini révolution nécessite, selon la direction de La Redoute, de «changer la culture d'entreprise et les modes d'organisation». En outre, cette dernière doit faire face à une concurrence accrue qui ne vient plus seulement des autres vépécistes traditionnels comme ce fut autrefois le cas. La Redoute, tout comme les 3 Suisses, dont le récent changement de direction fait également courir des rumeurs de restructuration, doit faire face au formidable engouement des consommateurs en quête de bons plans pour des sites de C to C comme eBay ou PriceMinister.

Du côté des syndicats, en revanche, plane l'incompréhension. «Nous estimons que La Redoute a pleinement réussi son passage sur Internet. Il s'agit donc, à notre avis, d'un faux prétexte pour justifier un plan social disproportionné, déclare Grégory Caron, délégué syndical de SudVPC qui ne croit pas à la thèse du déclin de la vente à distance. En octobre dernier, au salon de Lille, tout le monde se félicitait du fait que l'on n'avait jamais autant acheté à distance qu'à l'heure actuelle! Cela ne va donc pas si mal même si l'on ne peut nier les difficultés engendrées par le contexte économique tendu et par le fort mouvement de grève du début d'année.»

La conjugaison de tous ces éléments fait donc peser une forte pression sur le VADiste qui doit désormais trouver les meilleures pistes pour assurer sa relance. Outre l'ajustement de la masse salariale qui vient donc d'être décidée, le salut pourrait aussi venir d'une meilleure collaboration entre les équipes du off et du on qui ne collaboreraient pas de manière optimale. Car, qu'on se le dise, le Web restera une priorité de La Redoute comme l'a encore affirmé son p-dg Nicolas Bernard lors de la récente présentation de la collection printemps/été du catalogue: «Le Web, c'est l'avenir de La Redoute. Mais si les process et l'organisation ne sont pas adaptés à ces nouveaux marchés, nous allons regarder le train passer.»

Les clients mécontents de Camif Particuliers font entendre leur voix

Ils seraient environ 20000 clients «lésés» à avoir passé commande auprès de Camif Particuliers et à ne pas avoir été livrés. La grogne monte et la fronde s'organise. Ainsi, l'un de ces clients a réalisé un blog, soscamif.blogspot.com et créé une association. Celle-ci rassemble, d'ores et déjà, plus de 4000 membres ayant engagé au total plus de 4 MEuros de dépenses auprès du VADiste. Alerté par des témoignages faisant part de pratiques commerciales douteuses, comme des opérations promotionnelles peu avant la déclaration de cessation de paiement ou l'incitation à un paiement intégral à la commande, le site E-litige.com a par ailleurs demandé l'ouverture d'une information judiciaire. L'association de défense des consommateurs sur Internet s'est associée à SOS Camif afin de venir en aide aux clients en leur présentant, sur le forum du blog, les différentes démarches à entreprendre.

Réactions
Marc Lolivier, délégué général de la Fevad

Tous ces événements sont révélateurs de la révolution sans précédent que vit le secteur de la VAD. Ce n'est pourtant pas le premier à vivre cette mutation: l'industrie du disque et l'aérien sont déjà passés par là. Il existe aujourd'hui un impérieux besoin d'adaptation des organisations, car Internet a bouleversé les habitudes de consommation des clients. La VAD traditionnelle souffre également d'une réelle pression sur les prix liée à l'hyperconcurrence des pure players et des facilités de comparaison des prix sur Internet. Mais d'autres éléments conjoncturels, comme le recul du secteur de l'habillement qui accuse une baisse de 3% sur le premier semestre tous canaux confondus, peuvent aussi expliquer la morosité ambiante. Enfin, ce serait une erreur de ne pas prendre en compte la crise économique qui touche de plein fouet l'ensemble des secteurs. Tous ces éléments conjugués ne peuvent qu'être préjudiciables à des enseignes qui rencontraient déjà des difficultés.

Chantal Sellier, membre associé à la CCI Grand Lille

Il faut être prudent dans l'analyse des événements survenus à la Camif et à La Redoute qui n'ont, à mon sens, rien, de comparables. La Camif a dû faire face à une évolution de la société dans son ensemble et paie aujourd'hui les hésitations dans son positionnement depuis l'ouverture à un public plus large. Alors que La Redoute doit faire évoluer son modèle de vépéciste traditionnel et s'adapter à l'essor d'Internet. La vente à distance dans son ensemble a toujours été un métier fragile car les charges, de logistique notamment, sont très lourdes. Aujourd'hui, dans un contexte économique morose, il n'est pas étonnant que cela soit encore plus difficile.

 
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Isabelle Sallard

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