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Le data manager, homme-orchestre de l'entreprise

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Il n'a pas le don d'ubiquité et pourtant ses compétences couvrent plusieurs métiers de l'entreprise. De responsable informatique à statisticien en passant par extracteur avec quelques appétences en marketing, le data manager est un homme-orchestre. A tel point que certaines entreprises estiment nécessaire de le “cloner”.

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Personnage crucial, le responsable base de données “usuel”, avec sa formation classique d'ingénieur informatique, est devenu en quelques années “data manager”, une dénomination qui, au-delà d'un effet de mode, a évolué parce que l'usage de la donnée dans les entreprises a considérablement changé. Il ne s'agit plus uniquement pour le data manager de vérifier la cohérence et la disponibilité des bases de données mais de s'intéresser à l'ensemble des processus qui intègrent l'usage de la donnée : stockage, exploitation, restitution, extraction, rapport, etc. Un rôle donc plus vaste qui place le (ou les) data manager(s) comme acteur(s) incontournable(s) au sein de l'architecture de l'entreprise puisque ses fonctions l'amènent à dialoguer avec les départements marketing, commercial, financier, ainsi que la direction.

Prestataire, agence et annonceur

Pour mieux comprendre l'ensemble des missions qui incombent au data manager, il faut d'abord faire la distinction entre les différents types d'entreprises susceptibles d'en intégrer un. Il s'agit d'abord des annonceurs, propriétaires de la donnée, peu enclins à la transmettre en externe dans la mesure où il s'agit d'une valeur stratégique pour l'activité de l'entreprise. Chez eux, le data manager est avant tout le garant de la qualité de chaque donnée, le maître d'oeuvre de l'ensemble des opérations où cette donnée intervient. Il s'agit encore généralement d'informaticiens, même si le profil évolue vers l'analyse opérationnelle et prédictive. Au sein de l'entreprise, il doit pouvoir faire le lien entre la base de données et les différents services (comme la direction, le marketing, les commerciaux), donc pouvoir dialoguer avec eux. Deuxième type d'entreprise, les prestataires extérieurs, type Wegener ou Cegedim. Le profil est légèrement différent puisque généralement les tâches externalisées concernent spécifiquement l'intégrité et la disponibilité des données. « A notre niveau, le data manager gère la base de données pour le compte d'un client. C'est avant tout une relation commerciale puisqu'il suit le client, et fonctionnelle pour la partie production », explique Serge Imbott, directeur R&D chez Wegener DM. Un client qui doit pouvoir établir le dialogue avec son prestataire : «y a toujours un responsable en interne pour contrôler la donnée externalisée », commente Hervé Kauffmann, directeur des opérations chez KXEN France. Sans parler des aspects extraction et statistique, qui font intervenir des aspects sensibles de l'activité de l'annonceur : « On ne peut pas externaliser cette partie du data management », complète Stéphane Bernal, responsable commercial du comparateur d'assurances en ligne Assurland.com. Enfin, en agence, une appétence marketing est obligatoire, d'où un profil encore légèrement différent (voir encadré p. 53).

Une fonction encore en mutation

Les domaines de compétences se sont donc complexifiés et étendus avec le temps. « Auparavant, le data manager ne devait s'occuper que du contenant, c'est-à-dire la base de données en elle-même, indépendamment de la qualité de son contenu », précise Justin Ziegler, directeur informatique et cofondateur du site marchand PriceMinister. Première évolution significative, il se charge de l'intégrité du contenant mais aussi du contenu. « Les quatre mots d'ordre du data manager sont restitution, disponibilité, qualité et qualification », explique Guillaume Thomas, responsable décisionnel du fournisseur d'accès Club Internet. Le contrôle de la donnée et de la base qui l'héberge est donc au centre de ses préoccupations, au même titre que l'enrichissement de cette donnée et la vérification des méthodes mises en oeuvre pour la qualifier. « Pour ce type de mission, le profil ingénieur informatique suffit encore. La plupart des data managers dans les entreprises sont des informaticiens et leur rôle ne dépassent pas la gestion de la donnée », confie Yves Lauliac, directeur du développement Base de données entreprises chez Cegedim. En revanche, ce n'est plus le cas dès que la taille de la base de données dépasse un seuil critique, comme c'est le cas chez Club Internet, PriceMinister, ou encore La Redoute. D'où une seconde évolution. Lorsque la donnée prend toute son importance, le data manager peut alors se charger de deux autres missions qui s'éloignent de la première préoccupation purement informatique : l'extraction des données d'abord, même si les opérations les plus usuelles peuvent être prises en charge par un autre service doté d'une solution classique type Siebel ou SAP, et le développement de modèle analytique et prédictif ensuite. Dans ces deux cas de figure, le profil du data manager se rapproche de celui d'un statisticien. « Le data manager au sein du groupe La Redoute est un expert en statistiques car il est en charge de la préparation des données, une phase qui comprend la sélection et l'extraction, le tout en accord avec les problématiques soulevées. Il doit également contrôler la pertinence des données et la validité du modèle établi », indique Lionel Obin, directeur de Mediacible, département marketing de La Redoute. En tant qu'expert de la donnée, le data manager se voit également confier la conception de rapports d'analyse ou l'intégration dans le système de données d'outils pour les réaliser, comme Crystal Report de Business Objects. Des rapports qui s'adressent à toute l'infrastructure de la société. « Auparavant, le data manager était introverti dans l'univers informatique. Maintenant, sa fonction l'amène à dialoguer avec des néophytes de la gestion de la donnée. Il est donc souhaitable que le data manager ait une appétence métier, marketing ou commerciale », ajoute Didier Andrieu, directeur général d'Harte Hanks, qui a intégré dans son équipe un expert statisticien pour répondre à sa problématique CRM B to B et fidéliser ses propres clients.

Déduplication de la personne

Beaucoup de missions et de qualités nécessaires donc pour une seule fonction : dans les structures où la donnée est le pivot de l'activité, le data management est confié à une équipe plutôt qu'à un seul expert. Exemple concret, celui de Club Internet où quatre personnes ont pris en charge la donnée, contre un seul informaticien il y a dix ans. Sont ainsi regroupés un responsable des données et des briques technologiques associées (Oracle 10g, Business Objects, SPSS, Neolane, MapInfo, etc.), deux statisticiens, qui réalisent les routines analytiques, et deux extracteurs qui répondent aux demandes des différents services (aussi bien les travaux sur la donnée que les rapports). Une configuration qui se rapproche de celle de Price-Minister qui intègre un responsable des bases de données, un statisticien pour les extractions, un spécialiste de Business Objects pour les rapports et un manager qui établit le lien entre son service et le reste de l'entreprise. « Une équipe qui comprend non seulement la technique et l'analyse, mais aussi un aspect “sémantique” dont l'objectif est d'uniformiser la donnée dans l'entreprise et de créer un référentiel commun », détaille Justin Ziegler. Dans la grande majorité des cas, cette équipe dépend de la direction des systèmes d'information. D'abord, parce que l'entretien, l'enrichissement et la mise à disposition des bases de données restent des processus d'informatique pure. Ensuite, parce que l'intégration et l'utilisation des logiciels d'exploitation et d'analyse (comme SPSS, SAS, KXEN ou encore Business Objects) nécessitent un savoir-faire technique. Grande exception à la règle, La Redoute. « Au sein de notre groupe, le data manager n'est plus en charge de la gestion des données et des outils, mais uniquement de statistiques. C'est pour cette raison que le data manager ne dépend pas de la direction informatique mais du département marketing [Mediacible] », justifie Lionel Obin. Une situation qui tend à prouver que l'exploitation des données chez les vépécistes est en avance par rapport à d'autres secteurs d'activité, qui les rejoindront dans un deuxième temps. Pour preuve, Linvosges, vendeur à distance installé en ligne, a développé une équipe data management proche des problématiques métier de l'entreprise, comme l'explique Thomas Redregoo, chargé d'opération MD chez Linvosges : « Dans une structure telle que la nôtre, le data management intègre une partie commerciale importante au travers de la location de nos propres données. Une activité qui est à la fois indépendante et étroitement liée à nos stratégies de prospection.»

De plus en plus proche du métier

Et le constat général autour de l'évolution du métier de data manager est un éloignement progressif des préoccupations informatiques vers l'exploitation stratégique pure. A l'image de La Redoute, les responsables de la donnée ne seront plus, à terme, des informaticiens avec une appétence marketing, mais des statisticiens, experts du marketing et des connaissances métier dont le rôle sera de modéliser les problématiques de l'entreprise. « Mais cela n'arrivera qu'avec la création d'outils qui automatiseront plus encore les processus qui incombent actuellement au data manager », prévoit Didier Andrieu. Et Guillaume Thomas de conclure : « En attendant, la fonction classique de responsable des bases de données a encore de beaux jours devant elle.»

Dans les agences, le data management au service de la stratégie marketing

Indispensable pour mieux connaître ses clients et construire une stratégie relationnelle, la gestion de base de données a su se faire une place de choix au sein des agences de marketing services. Ici, la fonction porte une vision globale sur les données qui va au-delà de la simple gestion de la base au sens strict (RNVP, traitement des déménagés, déduplication…). «Les data managers sont des fournisseurs d'informations pour les intervenants de l'agence », résume Thierry Fée, chef du département Bases de Données chez Wunderman. Pour lui, l'agence doit avoir une vue globale des flux de données et apporter un conseil sur la stratégie de gestion de cette base : quelle information chercher ? A quelle fréquence faut-il restructurer la BDD ? Quelles règles mettre en place pour améliorer la qualité des données dès leur entrée ? Autant de questions qui participent à la stratégie de data management. C'est certainement à ce niveau que se situe la valeur ajoutée de l'agence, comme le note également Thomas Leconte, directeur du pôle Data Management chez ETO : « Le traitement des données s'appréhende de manière globale. Nos prestations sont proches du consulting avec la mise en place de mécaniques destinées à alimenter l'information clients. A la différence des prestataires, nous nous positionnons sur la verticalité avec la mise en place, derrière, de la pratique.» Même son de cloche chez Draft, qui a créé son département Data Mining / Data Management en 2002. « La plus-value de l'agence, ce n'est pas nécessairement la gestion de la base, mais plutôt faire parler les données par rapport à la stratégie marketing », souligne Agnès Vissoud, directrice générale adjointe de Draft.Les agences de marketing services peuvent être amenées à travailler de pair avec les prestataires en gestion de BDD pour le compte des annonceurs. « Le data management est parfois traité en partie chez le prestataire pour la normalisation et le traitement de l'adresse, et en partie chez nous pour la définition de la fréquence de mise à jour, les codifications… Finalement, il arrive que l'on serve d'intermédiaire entre le client et le prestataire », précise Thierry Fée

Avis d'expert. Data base manager : une fonction stratégique au coeur de l'entreprisePar Monique Dalibon, data manager chez Family Service, membre de la commission courtiers et propriétaires de fichiers du SNCD.

Ce qui fait tout d'abord la richesse de cette fonction, c'est sa diversité. Le data base manager est un véritable chef d'orchestre qui harmonise commercial, marketing et technique. La maturité du marché fait qu'aujourd'hui une adresse “brute” ne suffit plus. En effet, les notions de service et d'accompagnement font partie intégrante de la prestation attendue par le client qui, compte tenu des coûts de recrutement, est de plus en plus exigeant. Le rôle de conseil du data manager, tant sur l'identification de la cible que sur la pertinence du message, lui permet d'avoir une bonne approche de la problématique posée. Il doit, par son analyse, guider son client pour l'amener à atteindre ses objectifs de communication auprès d'une cible attentive et réactive au message délivré. L'émergence du multicanal et l'élan du marketing interactif (e-mail, SMS, MMS) ont dynamisé l'approche marketing direct. En fonction des budgets de chacun, il doit prescrire les meilleurs canaux de communication pour optimiser les résultats post-campagne. Il garantit la source des adresses, leur conformité (mention Cnil, listes d'opposition, opt-in…), le respect du code de déontologie mis en place par les membres du SNCD. Il doit maintenir la fiabilité et la propreté de la base, richesse de l'entreprise, par des mises à jour et des traitements réguliers (RNVP, déménagés…). Il doit se tenir informé de l'évolution du marché, par différents moyens de veille : la lecture d'articles de presse spécialisée, la visite de salons, les échanges avec d'autres intervenants, les réunions professionnelles. Sa connaissance du marché lui permettra ainsi de construire le meilleur plan fichiers afin d'assurer un bon retour sur investissement à ses clients. Il assure et vérifie la livraison du fichier traité RNVP, dédoublonné et avec un taux de NPAI minimal. Il est l'interlocuteur entre l'informatique et les prestataires de son client. La fonction data manager est un vrai poste à valeur ajoutée, souvent occupé par des passionnés, qui peut permettre d'évoluer vers un poste de Directeur Marketing.

 
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Enquête réalisée par Céline Oziel & Samir Azzemou

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