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Laurent Fischer (Nintendo) : Instaurer un contact permanent entre l'acheteur et la marque

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Entre Nintendo et Laurent Fischer, c'est une longue histoire qui vient de franchir une nouvelle étape: le directeur marketing de la filiale française devient le directeur marketing pour l'ensemble du marché européen. Son ambition: conquérir de nouveaux joueurs et les fidéliser à la vision du loisir ludique établie par Shigeru Miyamoto, l'illustre créateur de Mario Bros et Satoru Iwata, président de la firme japonaise.

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Marketing Direct Vous êtes titulaire d'un DEA en droit économique et directeur marketing dans le jeu vidéo. Quel est le lien ?

Laurent Fischer Pour financer mes études de droit, j'ai travaillé pour des agences de marketing événementiel sur des grands comptes de l'industrie agroalimentaire, de la mode et du luxe. J'ai donc beaucoup d'affinité avec l'univers du marketing et de la relation client. Mais je suis aussi un joueur depuis mon adolescence. C'est grâce à ces deux facettes que j'ai pu intégrer en 1998 l'équipe de Nintendo France d'abord au service après-vente avant d'être nommé chef de produits. Ma première mission a été de lancer en France des produits tels que la GameBoy Color et les premiers jeux Pokemon, véritable succès partout dans le monde. J'ai ensuite participé au lancement de la GameBoy Advance avant de devenir, en 2003, directeur marketing France de l'entreprise.

MD En tant que nouveau directeur marketing Europe, quel sera votre rôle ?

L. F. Mon rôle sera d'identifier les futurs succès ludiques sur le marché européen, à l'instar de Nintendogs que nous avons commercialisé avec succès. Les éditeurs japonais, et Nintendo parmi eux, produisent de nombreux jeux pour le marché nippon et ma mission est de proposer à notre maison mère de localiser sur le marché européen ceux que nous estimons avoir le meilleur potentiel de progression. Mais l'Europe est un marché difficile avec autant de pays que de langues et de cultures différentes. Il faut donc bien identifier les profils types sur chaque marché et adapter notre communication. Les frais marketing et publicitaires, sans parler des coûts de traduction, sont d'autant multipliés. Ce qui n'est pas le cas avec d'autres marchés unifiés, notamment le Japon et les Etats-Unis.

MD Quels sont les outils marketing que vous utilisez pour acquérir et fidéliser vos consommateurs ?

L. F. Nous capitalisons principalement sur nos produits innovants et les nouvelles façons de se divertir avec une console de jeu. Nous communiquons beaucoup sur ces innovations par le biais des médias appropriés en fonction des cibles: de la presse spécialisée et Internet pour les jeux “gamers” à la télévision pour les produits à très fort potentiel, comme les jeux Pokemon dont nous vendons 250 000 unités à chaque sortie. Cela a été typiquement le cas à l'automne dernier pour Nintendogs dont nous sommes très fiers. Selon les études que nous avons menées auprès de nos consommateurs, 30 % de ceux qui ont acheté ce produit n'ont jamais eu de console auparavant. Ce sont des joueurs qu'aucun éditeur n'a jamais pu capter car les jeux ne les intéressaient pas. Pour renforcer cette présence publicitaire, nous utilisons également l'événementiel, seul ou en partenariat avec des acteurs de la distribution mass market ou spécialisée, pour que nos prospects puissent connaître nos produits. L'occasion pour nous de les rencontrer et de récolter leurs avis.

MD L'occasion également de qualifier une base de données ?

L. F. Bien sûr. Cette base de données n'est en revanche pas directement à usage marketing. Il s'agit pour nous d'utiliser ces informations pour connaître les goûts des consommateurs et affiner nos choix des jeux à localiser afin de mieux coller au marché. Nous adaptons notre ligne éditoriale et notre stratégie de communication à ces informations pour que chaque localisation soit un succès.

MD Vous ne faites donc aucun mailing de conquête ni de location de fichiers ?

L. F. Notre stratégie marketing en termes de conquête est plutôt de nous associer aux distributeurs pour améliorer notre visibilité. Nous nous associons aux campagnes de communication des magasins et opérons des événements sur les lieux de vente pour distribuer des catalogues et présenter nos jeux. Dans ces prospectus, nous insérons des questionnaires pour qualifier les prospects intéressés, toujours dans l'optique de leur proposer les jeux qu'ils attendent.

MD En revanche, côté fidélisation, l'approche est tout autre ?

L. F. Nous essayons depuis toujours d'installer une politique forte de relation client afin d'établir un contact permanent entre le joueur qui achète nos produits et la marque. Nous avons donc à notre disposition un programme de fidélisation on line basé sur notre portail internet européen. Pour être membre, il suffit d'acheter un jeu édité par Nintendo. Le client trouve à l'intérieur de la boîte une carte avec un code qui lui permet de créditer des points sur son compte. S'il n'est pas déjà membre, le site lui proposera de créer un profil qualifié en fonction de son âge, son sexe, ses goûts en matière de jeu, etc. Aujourd'hui, le portail compte 160 000 membres français et près d'un million de profils au niveau européen, dont plusieurs dizaines de milliers de membres avec beaucoup de points. Il s'agit naturellement des “Core Gamers”, des joueurs passionnés, mais des jeux tels que Nintendogs élargissent considérablement l'audience. La moyenne d'âge est assez élevée et s'établit à 21 ans. Contrairement aux idées reçues, Nintendo n'attire pas uniquement les tout jeunes consommateurs.

MD Quel est l'intérêt pour le joueur d'enregistrer ses points en ligne ?

L. F. Nous avons créé des espaces VIP réservés aux membres enregistrés. Ils accèdent à des contenus exclusifs, comme des fonds d'écran, des vidéos et d'autres matériels multimédias. Nous les invitons en outre à des événements exclusifs durant lesquels nous leur proposons de découvrir en avant-première les futurs produits que nous commercialiserons. Nous avons également mis en place un catalogue de produits dérivés avec lequel ils peuvent échanger leurs points contre des cadeaux. Beaucoup de joueurs sont friands du merchandising. Certains jeux sont plus propices à l'enregistrement des points, notamment ceux qui ciblent les joueurs réguliers. Cela peut varier entre 7 % pour les titres grand public comme Pokemon et 40 % pour des titres qui ciblent les passionnés, comme Legend of Zelda.

MD Ce programme est uniquement on line. Pourquoi ?

L. F. D'abord pour une question de coût de communication. Internet est un média très peu coûteux par rapport aux canaux plus traditionnels tout en étant plus réactif et plus interactif. Pour chaque campagne on line ou off line, nous pouvons mesurer son impact grâce à des outils de mesure d'audience qui nous informent en temps réel. De plus, la pénétration de l'accès internet, notamment haut débit, est forte sur le segment des amateurs de jeux vidéo. C'est donc naturellement que nous nous sommes tournés vers Internet pour communiquer vers nos clients et prospects.

MD Les anciens joueurs se souviennent du Club Nintendo. Qu'est-il devenu ?

L. F. Le Club Nintendo était un outil formidable d'interactivité entre les joueurs et nous. Il s'agissait d'un magazine papier mensuel envoyé uniquement à nos adhérents comprenant l'ensemble des informations sur les nouveautés de Nintendo, des astuces, des solutions, des concours et le courrier des lecteurs. Le club était gratuit et était accompagné d'une hot line, toujours disponible, pour accueillir les joueurs ayant besoin d'une aide immédiate. En 1993, le Club Nintendo comptait un million de membres. Ce qui engendrait des coûts considérables. Le magazine n'était pas viable et nous avons décidé de l'arrêter avant d'opter par la suite pour le programme actuel.

MD Quels sont vos prochains défis ?

L. F. Tout d'abord consolider la place prépondérante de Nintendo dans le paysage vidéo ludique européen, notamment celle de la dernière console portable Nintendo DS, grâce à des produits innovants orientés vers des consommateurs qui ne sont pas encore joueurs aujourd'hui. Ce sera le cas avec une série de produits dont le premier sera le “Programme d'entraînement cérébral du docteur Kawashima” qui ciblera les personnes âgées de 30 ans et plus. Nous allons continuer à renforcer notre programme de fidélisation on line et nous commencerons à communiquer en direction des “ménagères de moins de 50 ans” que nous espérons convertir aux jeux avec ce type de produits, comme c'est déjà le cas au Japon. Puis, nous préparerons l'arrivée sur le marché européen de la Revolution, la future console de salon de Nintendo…

Nintendo


1889 Le fondateur de Nintendo, Fusajiro Yamauchi, conçoit des cartes à jouer à Kyoto. 1933 Création de la société qui deviendra en 1951 Nintendo Playing Card. 1980 Shigueru Miyamoto crée Donkey Kong et Mario au travers de jeux électroniques à cristaux liquides. 1984 Lancement de la première console de Nintendo Entertainment System. 1989 Lancement de la GameBoy, une console qui se vendra à plus de 100 millions d'exemplaires. 1990 Création de Nintendo Europe en Allemagne. 1992 Lancement de la Super Nintendo qui se vendra à plus de 46 millions d'exemplaires et plus d'un milliard de cartouches de jeux. 1993 Création de Nintendo France. 2001 Lancement de la GameBoy Advance qui s'est vendue à 50 0000 exemplaires en une semaine. Taux de pénétration du jeu en France?: 29,4 % des foyers. 20 % de part de marché du jeu vidéo en Europe. 75 % de part de marché des consoles portables. 50 % de part de marché des consoles portables et de salon. La France est le 2e marché européen après le Royaume-Uni avec 3 millions de GameBoy Advance, 1,4 million de GameCube et 800 000 Nintendo DS.

Parcours


Laurent Fischer 37 ans, DEA de droit économique international à la faculté de Nanterre. Après avoir débuté sa carrière dans une société d'événementiel et de marketing, Laurent Fischer rejoint Nintendo en 1998 et intègre le service après-vente. C'est le début d'une longue histoire entre la firme nippone et ce passionné de jeux vidéo. Toujours en 1998, il est nommé chef de produits consoles portables et se charge du lancement de la GameBoy Color et de la gamme Pokemon en France. En 2001, du lancement en France de la GameBoy Advance dans un premier temps, et de la GameBoy Advance SP ensuite. En 2003, il devient directeur marketing France. Fin 2005, nouvel échelon : la direction marketing Europe.

 
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Propos recueillis par Samir Azzemou

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