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« 2002 sera l'année des résultats bénéficiaires »

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Au bout de dix ans d'existence, l'assureur en direct atteint cette année l'équilibre financier. L'occasion de retracer avec son P-dg, Guy Stouls, le chemin parcouru pour y arriver et d'évoquer la contribution fortement positive d'Internet.

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Dans quel contexte s'est créée Direct Assurance ?


Au début des années 1990, le groupe Axa a pris la décision de créer des activités d'assurance en direct et ce, à l'échelle internationale. Le groupe avait la conviction que cette activité occuperait une part de marché non négligeable dans un certain nombre de pays. Mais, sachant qu'il s'agissait d'un métier extrêmement différent de l'assurance traditionnelle, il fallait créer une entité différente pour mener ces projets. Décision a été donc été prise de commencer par la France, en 1992, suivie par l'Allemagne, en 1995 (Sicher Direkt), puis l'Espagne, en 1997 (Direct Seguros) et le Japon en 1999. Le groupe Axa avait la conviction qu'il fallait investir fortement et créer des savoir-faire spécifiques, avec comme mission de bâtir un modèle fortement réutilisable. Par exemple, tout ce qui est outils (couplage téléphonie-informatique) a été construit une fois, puis réutilisé dans les autres pays. En termes humains, l'équipe allemande a été créée à partir de l'équipe française, et ainsi de suite avec, à chaque fois, un savoir-faire amélioré. Le groupe a investi fortement car nous sommes dans une logique industrielle.

Quelle est la spécificité de Direct Assurance ?


Notre produit phare, c'est l'assurance automobile, reconnue comme l'un des meilleurs rapports qualité/prix du marché. Pour ce produit, nous avons reconçu tous les process de fabrication et de gestion de l'assurance auto. En effet, l'ancêtre de Direct Assurance, qui s'appelait la NMA (Nouvelle Mutuelle d'Assurance), avait certes connu un grand succès commercial mais avait été un échec car la chaîne de gestion n'avait pas été complètement repensée dans une optique de "direct". La NMA a vite croulé sous la surcharge administrative. Dans le domaine de l'assurance auto, il y a une très forte fréquence d'actes, alors que dans l'assurance habitation, qui représente 10 % de notre activité, cette fréquence est beaucoup moins forte. Direct Assurance possède 320 000 contrats auto en portefeuille et 33 000 contrats habitation, cette activité ayant été lancée il y a deux ans. Nous n'avons pas encore poussé les feux sur l'habitation, car jusque-là nous avons surtout privilégié le développement de l'assurance auto. Au total, en 2001, nous avons réalisé 80 000 affaires (contrats) nouvelles.

Dans quel univers de concurrence évolue la société ?


Direct Assurance est, de très loin, le premier assureur en direct en termes de portefeuille de clientèle et de chiffre d'affaires. Il ne reste plus que deux autres acteurs : Eurofil, filiale d'un grand groupe d'assurance anglais, et Nexx, filiale de la Maaf. Tellitt ainsi que G.A Vox ont été repris par Eurofil. De son côté, Zuritel a annoncé qu'elle cessait son activité.

A quoi attribuez-vous ces échecs ?


Pour être bon dans l'assurance en direct, il faut disposer de savoir-faire bien développés et faire partie d'un groupe, qui a les moyens de ses ambitions. Il y a quelques ratios de base à bien surveiller, dont les frais généraux (investissements marketing, frais de personnel et frais informatiques) sur les primes et les sinistres sur les primes. Au départ, le ratio des frais généraux sur primes est très élevé. Puis, au fur et à mesure que notre activité s'est développée, nous avons pu faire baisser les ratios de coût... Jusqu'au jour où l'on arrive à l'équilibre. 2002 sera l'année des résultats bénéficiaires. On aura mis 10 ans ! Notre objectif initial était de 8 ans. Globalement, le marché de l'assurance en direct n'a pas atteint les volumes attendus, la seule société qui s'en sort bien, c'est la nôtre, avec deux ans de retard. Ce que l'on peut dire, c'est que Direct Assurance est en passe d'acquérir ses lettres de noblesse, mais pas le marché du direct. Ce qui nous pénalise, c'est que le fait de s'assurer en direct ne soit pas encore rentré dans les moeurs, comme le sont l'assurance traditionnelle ou les mutuelles. L'assurance en direct n'est pas encore comprise dans l'esprit du public comme une alternative totalement sérieuse et fiable.

On cite toujours le marché anglais comme exemple de réussite...


Effectivement, en Grande-Bretagne, Direct Line (filiale de la Royal Bank of Scotland) est devenue numéro un de l'assurance automobile. Il y a trois raisons principales à cela. Outre-Manche, il n'y a pas de tacite reconduction de l'assurance auto, le propriétaire du véhicule est obligé de faire la démarche de resouscrire. Cela entraîne plus de rotations de portefeuille, un nouveau venu peut alors capter l'attention. Par ailleurs, dans les années 90 en France, il y a eu stabilisation voire baisse tarifaire, ce qui a constitué une incitation supplémentaire à ne pas changer d'assurance. Et puis il y a la particularité française : la présence des mutuelles (Macif, Maaf, GMF, Matmut...) qui se sont imposées sur le marché français en 20 ans. L'ambition de l'assurance en direct est de faire comme les mutuelles mais en étant meilleure sur le plan du tarif comme sur le plan du service.

Quels sont ces fameux savoir-faire pour percer sur le marché de l'assurance en direct ?


Il y a tout d'abord le savoir-faire technique : tarifaire et d'acceptation des clients. Créer un tarif d'assurance est très compliqué ; il se base généralement sur les données du passé. C'est en grossissant que nous avons pu affiner notre tarif. Ensuite, il y a le savoir-faire administratif et gestion, c'est-à-dire la capacité à gérer la relation clientèle par des méthodes directes (gestion de plateaux téléphoniques...). Nous avons deux sites : un à Nanterre et un à Rennes, qui regroupent 450 chargés de clientèle. Nous ne nous considérons pas comme des call centers, nos collaborateurs sont des chargés de clientèle et des assureurs à part entière. Il a fallu découvrir ces métiers. A l'époque, nous avons tout créé, il n'y avait pas de références. Notre défi est de fournir par nos méthodes, une excellente qualité de services. La réponse doit être donnée en temps réel au téléphone. C'est un défi d'organisation, de productivité. Dans ce domaine, nous avons parfaitement atteint nos objectifs. Puis il y a l'aspect marketing et commercial. Nous devons vendre notre produit à un maximum de gens pour un investissement marketing raisonnable. Ici, ce qui importe, c'est le rapport entre nombre d'affaires et investissements marketing, c'est-à-dire les coûts d'acquisition. Pour obtenir le maximum de clients à des coûts raisonnables, il faut analyser quel type de création doit figurer sur quels supports. Pour gérer les campagnes marketing, Direct Assurance avait recruté, au début, des spécialistes en VPC, MD, mais ils se sont rendus compte que les recettes du marketing direct ne marchaient pas forcément dans l'assurance en direct. Autre dilemme que nous devons résoudre : comment être efficace et véhiculer une image qui ne soit pas celle d'un "discounter" ? Cette année en 2002, nous avons opté pour un budget 100 % marketing direct. Mais, de temps en temps, nous effectuons une campagne d'image.

De quelle façon communiquez-vous ?


Nos trois principaux canaux de communication sont la presse (télévision et automobile), la télévision et les mailings. Nous avons des outils et méthodes pour piloter au jour le jour ces actions, en fonction de ce que nous prévoyons sur les plateaux téléphoniques. Les premières années, nous ne faisions que du mailing puis il y a eu montée en puissance des médias. Les campagnes sont majoritairement réalisées en interne par notre propre équipe de création ; de temps en temps, nous faisons appel à des agences. Le total de nos coûts marketing s'élève à environ 10 millions d'euros par an.

Comment s'est passée votre approche d'Internet ?


En fait, avant Internet, nous étions déjà dans cette logique de relation directe avec le client. Et notre système - l'outil informatique - est directement utilisable sur le Net. Toute la chaîne existe déjà. Nous avons d'abord défini une architecture internet, qui est la même pour tous les pays (Allemagne, Espagne et Japon). Puis s'est déroulé le développement du site (il s'agit d'un projet commun à nos quatre sociétés). Après une phase de démarrage, qui nous a permis d'observer là où les internautes achoppaient, nous avons pu optimiser toutes les étapes de la tarification et la vente. Ouvert en novembre 1999, le site a permis de conclure 3 000 affaires nouvelles en 2000, puis plus de 11 000 en 2001. En 2002, elles devraient doubler (au moins 20 000). C'est une success story. Internet nous a dopés.

Le profil du client internaute est-il différent ?


La clientèle internet correspond à la clientèle de base, en un peu plus jeune, plus urbaine, et un peu plus CSP + (véhicules plus haut de gamme). Notre clientèle traditionnelle a en moyenne 35 ans, elle est urbaine ou périurbaine et composée à 60 % d'hommes, mais les femmes grignotent du terrain. Quant à nos règles d'acceptation, elles sont très strictes, très complexes, nous avons des "filtres", qui nous permettent de rejeter les assurés à problèmes.

Quel est le comportement de l'internaute sur votre site ?


Le client fait son devis sur Internet, puis, soit le stocke pour y revenir plus tard, soit demande l'offre. Celle-ci arrive par La Poste et, lorsqu'il l'a reçue, le client nous appelle. Ce que je remarque, c'est qu'il faut toujours un contact humain. En cas de besoin d'une couverture immédiate, lors d'un achat de voiture par exemple, l'internaute peut payer directement un acompte par carte de paiement et être assuré dans l'heure qui suit. Au milieu 2002, nous proposerons de recevoir l'offre par voie électronique. Sur le Net, le taux de transformation par rapport aux offres est le même qu'au téléphone. Même si le nombre de contrats rapporté au nombre de visiteurs est très faible. En termes de résultat, si je multiplie 20 000 affaires par 500 euros de prime moyenne, cela me fait 10 millions d'euros de CA, ce qui fait très probablement de nous le premier assureur français sur Internet.

Comment exploitez-vous le canal Internet ?


Pour Direct Assurance, Internet est un canal complémentaire qui draine des nouveaux clients à coûts d'acquisition marginaux. Ce qui nous permet d'économiser sur les frais de gestion. Internet nous permet d'économiser le premier entretien téléphonique. Entre 15 000 et 20 000 tarifications complètes sont effectuées sur le Net par mois. Nous sommes dans le click & mortar, puisque notre produit, c'est notre produit normal. Nous n'avons pas conçu un produit spécial sur Internet. Donc, ce qui compte, c'est sa qualité. Le gros enjeu de demain, c'est d'offrir des services à nos clients (qu'ils soient venus ou non par Internet) et l'on peut envisager un certain nombre de choses sur le Net : paiement de l'échéance en ligne, modification du contrat en ligne... Cependant, sur Internet, il existe encore un point d'interrogation. Y a-t-il un biais spécifique due à la clientèle internet en termes de fraude et de volatilité ? Mais, pour l'instant, c'est encore trop tôt pour le dire.

Biographie


Né en 1955, Ingénieur civil des mines, actuaire, Sciences Eco, Guy Stouls intègre en 1981 le groupe Drouot qui, racheté par Mutuelles Unies, deviendra Axa. Il fait partie de l'équipe dirigeante qui lance Axa Direct en 1992 et occupe différentes fonctions de direction au sein de Direct Assurance jusqu'en 1997. Il prend alors la présidence du directoire de Axa Direkt Versicherung à Francfort (devenue Sicher Direkt). Il revient en France début 2000, en tant que Dg de la holding Axa Direct et P-dg de Direct Assurance. Il a été également directeur du E-Business et des canaux technologiques d'Axa France.

L'entreprise


CA 2001 : + de 146 millions d'euros. 600 collaborateurs. 8 000 appels téléphoniques par jour. 320 000 contrats autogérés. 70 000 sinistres traités par an.

 
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Sophie Mensior

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